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Fulgurances

Seul, à côté d'un pin,
seul, près d'une rivière
qui mutile ses reins
de ronces et de pierres,
à l'heure où la Provence
accorde ses faveurs
à l'été qui commence
à la journée qui meurt.
Au milieu des moissons,
des clartés ingénues,
des nuances, des sons,
ébloui, au-dessus
d'un océan bâtard
né d'un été d'amour
et qui offre aux regards
ses vagues de velours.

Il peint.

Seul, devant son tableau,
son rêve, son soleil
qui l'emporte si haut
et le crache en plein ciel,
entre deux désespoirs
deux sursauts de génie,
ce rôle, ce pouvoir,
cette explosion de vie,
le jour, le jour, le temps
qui vacille incertain,
cet amour qui le prend,
cet amour qui l'étreint,
ces éclairs de beauté,
ces éclairs de bonheur,
la lumière plantée
dans les yeux dans le cœur.

Il peint.

Comme un amant brutal,
comme un amant volage,
et qui traque son mal
d'images en images,
et qui voudrait comprendre,
approcher, alanguir,
cerner, violer, surprendre
et qui voudrait saisir
un reflet, là, plus clair,
une tache plus sombre,
ce dessin dans sa chair,
cette folie, le nombre
insensé de couleurs,
le mauve qui revient,
le brun, cette fureur
qui fait trembler ses mains.

Il peint.

Et ces avortements,
et ces chemins de croix,
les bleus, les gris, les blancs,
l'hésitation, le choix,
les verts qui se mélangent
et frissonnent sans cesse,
les rouges, les oranges,
ces flots, cette tendresse,
ces tons âpres et bruts,
ces troupeaux, cette faune,
ces cortèges en rut,
les bleus, les verts, les jaunes,
et puis le jaune encor,
ce jaune presque roux
(de l'or ! de l'or ! de l'or !)
et puis du sang partout …

 


à l'écoute